La représentation des diversités culturelles dans le cinéma lesbien
Animé par Aishah Shahidah Simmons, réalisatrice de NO! (A Work in Progress), et Dalila K. Cheriet, réalisatrice de Ombres Solaires, et avec la présence de Sonia (réalisatrice), et Zora (actrice dans Ombres Solaires), dimanche 31 octobre 1999
Constats sur le cinéma
- Faire du cinéma est un luxe
Faire du cinéma, quand on est noire, dans un pays où il faut être un homme blanc pour en faire est un acte politique.
Beaucoup de films courts sont réalisés par des femmes issues de l'immigration nées de la colonisation ou de l'esclavage et donc passent au festival parce qu'ils sont les seuls qu'elles peuvent faire : les longs métrages demandent trop d'argent.
L'accessibilité des moyens de production est donc crucial. Le système dominant est sournois dans la mesure où il semble donner des droits quand en fait il organise un apartheid réel dans l'accessibilité aux moyens de production quels qu'ils soient, dans tous les domaines.
- Il existe déjà des stéréotypes dans le cinéma lesbien
Les films que les blancs produisent, même réalisés par des afro-américains, véhiculent les stéréotypes.
Dans le cinéma lesbien, le public (lesbien) s'attend à voir deux femmes danser, s'approcher, s'embrasser d'une certaine façon. Or, contrairement à Better than Chocolate, les femmes de Ombres Solaires par exemple ne peuvent pas tout se permettre parce qu'elles prennent des risques dans le monde arabe. Certaines scènes ont été tournées de telle façon que les mères puissent être touchées et comprennent. C'est aussi et surtout un choix politique et culturel délibéré que de suggérer plutôt que de montrer explicitement. D'où une gestuelle qui peut sembler "adolescente" à certaines alors qu'elle n'est que différente.
Il faut être critique quand on fait un film : tout est politique. Il n'est pas suffisant de voir deux femmes qui s'embrassent à l'écran.
- Une prise de risque
Si faire des films est un acte politique, y jouer aussi. Les actrices savent qu'elles courrent un réel danger si le film circule. Moins le danger est proche, plus les images peuvent aller loin, comme dans East , où les femmes sont en maillot de bain et où une main se pose sur le ventre, réalisé par des irakiennes vivant aux Etats-Unis.
- Attention aux étiquettes
L'expression qui amalgame les "films américains", visés à plusieurs reprises par les critiques des festivalières françaises, surprend Aishah : elle est américaine et fait un autre cinéma que celui que ces festivalières critiquent. Ne pas en tenir compte, c'est la rendre invisible.
Constats sur la représentation des diversités culturelles
Un premier problème de formulation est identifié : comment s'appeler et comment se représenter quand on regroupe des femmes issues de l'immigration, de la colonisation, des femmes issue de la politique d'esclavage ou encore des femmes "du tiers monde".
Le point commun : la difficulté à avoir, pour une afro-américaine comme pour une franco-maghrébine, une parole dans un système majoritairement blanc.
Il ne s'agit pas d'une question d'identification (la question n'est pas de savoir si les femmes blanches se reconnaissent dans tous les films qui les mettent en scène) mais de représentation : les autres femmes sont invisibles.
Il est essentiel de pouvoir parler de questions féministes dans les communautés d'origine tout comme de questions racistes dans le mouvement lesbien. Aishah se dit fatiguée qu'on lui demande de se couper en deux en taisant une part d'elle-même.
La représentation du cinéma lesbien est un reflet de la représentation dans la société. Croire que le cinéma lesbien est différent dans sa représentation de l'ensemble du système social est une imposture et un leurre.
Les femmes issues de l'immigration nées de la colonisation ou de l'esclavage ont grandi sans modèle auquel s'identifier dans les media. Parfois, elles perpétuent cela dans leurs films. D'autres au contraire choisissent de parler des femmes de leur communauté dans leurs films (comme Dalila, avec des actrices choisies pour leur réflexion identitaire) et de montrer ainsi d'autres images que celles auxquelles le public blanc s'attend.
Demandes formulées, pistes dégagées
Il est de la responsabilité des programmatrices de savoir sélectionner des films qui ne les concernent pas directement mais peuvent en toucher d'autres.
S'il est reconnu que le festival a commencé à changer rapidement, un appel à l'action positive est lancé pour faire venir des femmes issues de l'immigration, nées de la colonisation, dans l'équipe du festival.
Une demande apparaît pour repasser le film de Dalila et prêter la traduction de No!.
La nécessité d'organiser une résistance qui tienne compte de toutes les expériences dans leur diversité, avec la mise en place d'un réseau de femmes issues de l'immigration, de la colonisation et de l'esclavagisme et de femmes de pays "du Sud" est mise en évidence et la question de savoir comment les lesbiennes qui ont accès au système dominant, les lesbiennes blanches, se positionnent vis à vis de ça est posée. Les femmes blanches qui sont les alliées des femmes issues de l'immigration, nées de la colonisation, sont invitées à être leurs médiatrices afin de stopper la violence et de permettre la construction de ce réseau pour parler, laisser la créativité s'exprimer, écrire des livres, des chansons..., pour dire autre chose que ce que ces blanches veulent dire à leur place.
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