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Les débats et rencontres du 13eme Festival - 2001

bilan 2001Débat autour du livre Attirances : lesbiennes fems, lesbiennes butchs, dirigé par Chistine Lemoine et Ingrid Renard, le 4 novembre 2001.
En présence de : Ingrid Renard (éditions gaies et lesbiennes), Christine Lemoine, Catherine Florian, Janick Penhoat, Suzette Triton, Monique Cintract, Marie-Hélène Bourcier, Sophie Courtial-Destembert, Evelyne Rochedereux, Cy Jung.

Ce livre, assemblage de textes très divers, mélange de fictions, de témoignages, de textes théoriques, constitue une image mosaïque de la réalité butch/fem aujourd’hui.
Après la lecture de courts extraits par la dizaine de contributrices présentes, la discussion est lancée sur le thème: Vous définissez-vous comme butch ou fem et, si oui, quelle est la réaction de la communauté lesbienne vis-à-vis de vous, et, si non, quelle est votre réaction par rapport aux lesbiennes qui se définissent comme butch ou fem ?
Cette proposition ne sera pas suivie et entraînera plutôt une demande d’explication sur la position des auteures : pensent-elles qu’il faille nécessairement être butch ou fem ?
Christine Lemoine précise que le but du livre n’est pas de donner des définitions, mais de présenter des approches permettant d’étayer la réflexion . Les appellations butch et fem ne sont qu’une manière parmi d’autres de se définir et de déconstruire le genre pour le reconstruire. Il ne s’agit pas de donner des modèles, mais de présenter des réflexions encore très peu connues en France.

Depuis les jules, en passant par les camionneuses, une histoire en évolution
Ce livre est vu comme un projet subversif et réparateur qui permet de sortir de la logique d’appellations comme « jules » et « camionneuse » à connotation très péjorative.
Dans les années 30/40 il y avait une présence reconnue des lesbiennes d’allure masculine. Dans les années 80, les lesbiennes radicales ont amené la dimension du politique dans le débat, mais se sont demandé s’il était vraiment subversif de reproduire les rôles masculins et féminins, préférant l’idée d’androgynie.
Les textes anglo-saxons, et entre autres les travaux de Joan Nestle et de Line Chamberland ont ouvert la voie à des réflexions plus approfondies.

Déconstruire… pour reconstruire ?
Cela n’avance à rien de considérer que « butch » et « fem » sont un masculin et un féminin remis à la sauce lesbienne. Ces concepts recouvrent des vues qui se veulent non enfermantes, permettant de remettre en cause ce qu’est le genre et de le retravailler.
Le masculin, le féminin, ce sont des rapports de domination, or dans le rapport lesbien, il n’y a pas de rapports de domination. Même si cela peut exister à un niveau individuel, ce n’est pas le cas à un niveau politique. Il est donc intéressant de creuser à travers les identifications butch/fem ce qu’est le masculin et le féminin.
Beaucoup de critiques réagissent comme s’il y avait une réappropriation des rôles homme/femme. Mais en fait, il y a des fems qui ne s’habillent pas de manière féminine tout en se sentant fem. Nous avons été élevées dans la société hétérosexuelle, puis nous nous sommes déconstruites, inventant d’autres choses, et reconstruites en laissant derrière nous entre autre l’identité de femme et d’homme. On est fem ou butch en tant que lesbienne, pas en tant que femme ou qu’homme.
Il y a un essaim de genres, non pas une courbe qui va d’un point à un autre. Une infinité de possibilités.
Il s’agit d’aller au delà de la pensée hétérosexuelle. Les termes butch/fem reproduisent une binarité qui serait gênante si toutes les lesbiennes y adhéraient, mais justement ce n’est pas le cas. Pourquoi ne pourrait-on pas être fem et puis être tout ? Cela peut tout englober, toutes les émotions. C’est l’idée même du genre qu’il faut dépasser dans une utopie.
On peut penser au contraire qu’on ne dépasse pas les genres, que c’est impossible dans la société dans laquelle nous vivons pour l’instant. Donc on peut dire que dans toutes les pratiques il y a une resignification du genre, de la féminité et de la masculinité.
La créativité identitaire n’est pas qu’une question d’étiquettes, ni de rôles ni de vêtements, mais à chaque fois des déclinaisons décontextualisées de la masculinité et de la féminité. Il y a beaucoup d’identités de genre qui sont en train de se créer, c’est une ressource formidable pour celles qui veulent se démarquer et n’ont pas envie d’être dans une culture hétérosexuelle.

Les fems sont-elles aussi subversives que les butchs ?
Les fems, en apparence, ne rompent pas avec les assignations de genre. Mais les lesbiennes ne sont pas des femmes, même si solidairement elles peuvent l’être, et stratégiquement ; mais stratégiquement aussi il est important de dire « les lesbiennes peuvent aussi subvertir les codes de la féminité ».

Ces performances qui ne sont pas des rôles
Le mot rôle est dangereux car on l’utilise comme s’il s’agissait d’un théâtre. Or ce n’est pas jouer un jeu. Une identité qu’on se construit n’est pas un rôle, n’est pas une catégorie, une étiquette imposée de l’extérieur. Il y a de la mutation ; toutes les lesbiennes qui sont dans la performance de genre disent que le masculin et le féminin est une performance, mais pas seulement au sens théâtral. C’est un apprentissage, une régulation, assez hétérocentrique il est vrai, du masculin et du féminin, avec beaucoup de modèles en arrière-plan, qui tournent sans arrêt.

Désir et sexualité
Il est aussi question de désir dans le livre. Nous sommes dans une période où les lesbiennes sont en train d’exprimer leur désir, et c’est bien parce que le désir est politique.
La différence entre butch et fem serait une question de ressenti, certaines utilisent le mot « énergie ». C’est la façon dont on reçoit ce que fait l’autre, que ce soit au moment de la séduction ou au moment de la baise.
Peu importe les gestes. Certaines butchs ont une sexualité très différente ; qu’elles aient des gestes différents ou les même gestes, elles n’y mettent pas la même signification, pas le même ressenti, pas le même imaginaire. Dans la société hétérosexuelle, la pénétration, c’est quelque chose qu’un homme fait à une femme. Chez les lesbiennes ce n’est pas cela. Il y en a qui ne le font pas du tout, d’autres oui, d’autres mutuellement ou pas, toutes les possibilités existent. C’est ce qu’on met dans l’acte qui a un sens, qui n’a pas la même portée.
La pratique sexuelle, c’est nique ton genre, le genre qui t’a été assigné. Il y a, selon les époques, une créativité par rapport aux rapports de pouvoir qu’il pouvait y avoir dans le couple hétéro. Dans la culture néobutch des années 80, butch/fem est utilisé pour trouver des pratiques sexuelles un peu différentes, pour sortir de l’homosensualité. La manière de s’identifier comme femme rendait difficile d’être créative sexuellement. Le gode a joué un rôle important dans cette culture butch/fem, avec l’idée que le gode, on se le passe, il circule.

Butch/butch ; fem/fem ; bottom/top et quid du couple ?
Certaines lesbiennes profitent de cette opposition symbolique butch/fem pour poser la question classique « Qui fait l’homme et qui fait la femme à l’intérieur du couple ? » Il y a beaucoup de réflexions sur le couple qui n’existaient pas il y a quelques années, et malheureusement ce sont des réflexions très hétérocentrées dans la manière dont elles sont menées et qui se réapproprient les appellations butch/fem. C’est paradoxal alors qu’on voudrait opérer une déconstruction des genres.
Il y a beaucoup de combinatoires sexuelles en ce moment. Une butch n’est pas obligatoirement avec une fem. Il peut y avoir butch/butch, fem/fem, et comme par hasard on cristallise sur butch/fem. Mais il y a aussi la question du couple qu’on superpose à celle des pratiques sexuelles ou de l’identité, alors que tout ne tourne pas autour du couple.

Les limites : vers le transgenrisme et le transsexualisme
La réflexion butch/fem peut mener à aller plus loin sur la question des genres et des limites. Y a-t-il une question de degré ? Plusieurs documentaires à Cineffable ont montré que le genre n’est pas une nature mais une culture. Un transsexuel dit qu’il s’est toujours senti homme, mais qu’une fois la transformation physique faite, il se rend compte qu’il doit apprendre les codes qui font un homme. Que fait-on des gens qui disent « je me suis toujours senti homme » ou « toujours sentie femme », et qui en même temps doivent apprendre à le devenir ?
L’assignation de sexe biologique et l’assignation de genre dans notre société, que ce soit dans le discours médical ou autre, sont tout à fait aussi construites l’une que l’autre.
Alors que certaines personnes sont d’avis que le biologique est déterminant du psychologique, d’autres disent qu’il ne faut pas construire le biologique comme inné.
Mais pourquoi, dans le transsexualisme, vouloir passer au « il » alors qu’on a tant de mal à s’extraire du « il » ou du « elle » ? Parce que, peut-on répondre, c’est un « il » qui n’est pas un « il », de même que butch n’est pas un mâle.


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"La Fondation Mama Cash", "Les minorités en France", "Violence", et "Visibilité lesbienne".