Rencontres de lesbiennes célibataires
Rencontre initiée et animée Nicole Bonnin et une organisatrice de Cineffable en 2002

1. Présentation du thème de la discussion autour de quelques films

La programmation du 14ème Festival a permis de présenter, comme tous les ans, quelques films abordant la manière de vivre le célibat chez les lesbiennes. Cette année, ce sont les courts Bar Talk de Cheryl Furjanic et Ladies Tea de Paula Durette qui nous présentent une vision humoristique des habituels lieux de rencontres que sont les bars et les discothèques où le jeu de la séduction est omniprésent.
Le film hongrois de Katrin Kremmler Mihez kezdjen egy fiatal leszbikus a nagyvárosban ? Kakauz kezdöknek (Que doit faire une jeune lesbienne dans la capitale ? Guide pour débutantes) quant à lui retrace les péripéties d’une jeune lesbienne en quête de l’âme sœur à Budapest.
Et enfin le film belge flamant de Kim Wyns Ochtend : Liefde in 4 Aktes nous dresse, entre autres, les portraits de deux lesbiennes qui vivent leur célibat de manière antinomique, l’une vivant difficilement la solitude après une rupture sentimentale et l’autre assumant pleinement le défilé de ses conquêtes.

2. Que sont les Rencontres pour lesbiennes célibataires ?

Nicole Bonnin a constaté que pour certaines célibataires comme elle, les traditionnels lieux de rencontres décrits dans Bar Talk et Ladies Tea, n’étaient pas suffisants.
C’est pourquoi elle est à l’initiative de rencontres pour lesbiennes célibataires regroupées le temps d’un week-end autour d’activités culturelles ou sportives. L’origine de ces rencontres est née d’une réflexion de trois féministes lesbiennes et célibataires Nicole, Gisèle et Marie, qui, à l’issue d’une énième soirée d’échec, ont décidé de mettre un terme à leur solitude en créant leur propre réseau. Au départ, elles ont ressenti un sentiment de gêne car elles craignaient d’être mal considérées alors qu’elles souhaitaient juste offrir une alternative aux lieux habituels de rencontres. De plus, à la différence des associations, ces rencontres informelles devaient permettre aux femmes de participer sans engagement contraignant. En effet, tout le monde n’a pas la disponibilité nécessaire pour s’investir dans la vie associative, autre lieu potentiel de rencontres.

Cet atelier discussion s’est inscrit comme un espace d’expression ouvert et libre pour celles ayant déjà participé aux 3 précédentes Rencontres et donner envie de participer à la 4ème Rencontre prévue fin novembre 2002.

Retour sur cette 4e rencontre par Nicole Bonnin :
Les 29, 30 novembre et 1er décembre 2002, le quatrième week-end de rencontre entre lesbiennes célibataires s’est déroulé dans les Deux-Sèvres à l’initiative de l’Association «Pour l’Information des femmes de Poitiers (86)». Une vingtaine de femmes se sont retrouvées dans une propriété gérée par une association protestante. Dans une ambiance de bonne humeur, d’humour et de convivialité, elles ont visité une abbaye, des mines d’argent des Rois Francs avec des guides qualifiés. Culture donc, ainsi que débat sur «la séduction», soirée en boîte, vidéos lesbiennes et randonnées pour profiter de la campagne. Impossible de savoir si des couples se sont formés, par contre d’autres liens, amicaux se sont créés.
La cinquième rencontre est prévue pour août 2003 du 14 au 17 dans une maison du seizième siècle au décor rustique. Date limite d’inscription le 12 juillet 2003 et prix forfaitaire de 120 euros. Pour plus de renseignements, envoyez un mail ou contactez-nous par téléphone.

3. Déroulement et principes de ces Rencontres :

Communication

L’information autour de cette initiative a été diffusée initialement par le biais de l’Association Pour l’Information des Femmes à Poitiers puis des annonces sont parues dans Lesbia. Des démarches ont été entreprises auprès des associations gay et lesbiennes et une adresse de messagerie a été crée (apif@voila.fr).
Pour tout renseignement complémentaire, voici les coordonnées téléphoniques de Nicole Bonnin et Nathalie Rebman, organisatrices des Rencontres :
05 49 41 49 85
02 54 74 35 22

• Organisation

La première Rencontre a été organisée en mars 2001 dans la région de Poitiers, les suivantes ont eu lieu en juillet 2001 et en mars 2002.
A chaque fois, ces Rencontres se déroulent le temps d’un week-end pendant lequel se rassemblent au maximum quarante participantes.
Un appui logistique est assuré par des structures d’accueil modernes et fonctionnelles (CRESP) et des activités culturelles ou sportives (visites guidées de lieux renommés pour leur architecture, randonnées…) sont proposées selon la saison en contrepartie du paiement d’un prix forfaitaire (environ 90 euros du vendredi soir au dimanche soir)
Une liberté de proposition est laissée aux participantes et rien n’est figé. L’intérêt est de voir l’idée reprise par une organisatrice désireuse de faire connaître sa région (édition des Rencontres de juillet 2001 qui se sont déroulées à Macon).

• Prise de conscience, besoin de communiquer, nécessité d’accomplissement et d’affirmation de soi

L’objectif de ces Rencontres est de permettre aux femmes isolées de venir s’occuper de soi, de se faire plaisir et de se donner une chance de rencontre.
En participant aux Rencontres, les femmes s’offrent un espace d’échanges privilégiés face auquel la drague de comptoir paraît bien dérisoire. Ces Rencontres doivent permettre à chacune de se donner la volonté d’aller au-delà pour se redonner des couleurs, mettre en valeur son ego et être fière d’être lesbienne. Ce sont des occasions partagées pour faire face à une rupture, ne plus subir un sentiment d’isolement et redonner une consistance à son existence sans obligation d’engagement comme dans un cadre associatif. Le minimum est la création d’un réseau d’amitiés et plus si affinités avec un aspect convivial non oppressant à la différence des petites annonces.
Il s’agit d’un événement ponctuel qui doit être vécu sans contraintes par les participantes, chacune est là pour s’occuper de soi et des autres.

4. Témoignages

• Sur la participation aux Rencontres

Globalement, l’initiative est attrayante pour la majorité des intervenantes ayant participé aux Rencontres car elles permettent véritablement de briser le sentiment d’isolement et donnent envie de faire des choses. Parfois, le souci de vivre en groupe peut être plus ou moins facilement accepté en fonction du tempérament de chacune d’autant que 3 jours peuvent paraître longs pour une première rencontre. Aussi toute initiative locale doit être encouragée à l’image de celle entreprise par Maîté d’Avignon qui est à l’origine de rencontres mensuelles informelles se déroulant dans un bar où chacune peut apporter au groupe des suggestions d’activités et ainsi la trame relationnelle se tisse pour parfois permettre à des couples de se former.

• Sur le fait d’être lesbienne

Ces rencontres permettent de vivre pleinement son homosexualité d’autant que les schémas de fonctionnement offerts par notre société répondent mal aux attentes des lesbiennes même si Fabienne de Paris explique qu’à son avis le sentiment d’isolement est vécu de manière identique que l’on soit hétéro ou homo. D’ailleurs sa participation à un club de loisirs pour célibataires a révélé que bien des interrogations de célibataires hétéros se rapprochaient des siennes et se résumaient à la difficulté de se positionner par rapport à un groupe et de sa volonté propre à aller vers les autres.
D’un autre côté il a été admis que la séduction homosexuelle différait de celle des hétéros dans le sens où le poids de l’image était moins oppressant excepté, comme l’a précisé Christine, agricultrice, lorsque cette drague s’inscrit dans un microcosme régi par les mêmes règles de l’apparence. Les femmes doivent parvenir à dépasser ce pallier réducteur et arriver à en parler.

• Sur le fait d’être parisienne

A l’encontre des idées reçues, Danielle, parisienne depuis 4 années témoigne qu’il a été plus difficile, pour elle, de s’intégrer au milieu lesbien à Paris qu’en Province en raison d’une profusion des associations qui, en définitive, inhibe sa capacité à s’investir.

• Sur le fait d’être célibataire

Cela dépend essentiellement de son rapport à autrui et sa capacité à se faire accepter. Quel que soit le mode de rencontre adopté, de nombreuses intervenantes ont souligné que cet état de célibat est commun à toutes les sexualités car il dévoile une question existentielle propre au genre humain, à savoir la satisfaction du besoin de communiquer. En résumé chacune doit faire sa propre analyse pour être plus en phase avec l’autre et le groupe. Etre fière de ce qu’on l’on est ou de ce que l’on a fait donne envie de le partager avec autrui.

5. Conclusion

Difficile de savoir si être « lesbienne et célibataire » est plus inconfortable que être seulement « lesbienne ou célibataire ». Quel que soit le statut, il faut apprendre à le revendiquer pour bien le vivre. Aussi, si les lieux de rencontres habituels calqués sur le modèle hétéro ne réjouissent pas toutes les lesbiennes, certaines d’entre nous ont l’énergie pour faire développer des initiatives locales favorisant les rencontres entre femmes. Ainsi, Nicole Bonnin à travers l’organisation des 4ème Rencontres de lesbiennes célibataires participe activement à l’intégration de toutes celles qui se sentent esseulées et isolées. Elle leur donnent l’occasion de sortir de leur coquille et d’apprécier de vivre sereinement en groupe pour découvrir une autre intimité. Et pour celles qui préfèrent continuer la route seule, elles ont l’opportunité de vivre grandeur nature leurs frivolités ! L’essentiel étant d’assumer pleinement ce que l’on est pour mieux le faire partager à l’Autre et là peu de choses nous diffèrent du monde hétéro, alors soyons fières d’être « lesbiennes », « célibataires » ou « lesbiennes et célibataires ».