Santé, prévention : consultons !

Dimanche 9 novembre 2003 - 15e festival Quand les lesbiennes se font du cinéma

Avec:

  • Arame Mbodje, médecin-référente à Sida Info Service
  • Elise Bourgeois Fisson, primaire Up Paris, groupe Menace mauve
  • Raphaëlle Lecoq, les Flamands Roses, Lille

En France, les lesbiennes font face à une préoccupante désinformation en matière de santé et de prévention. En plus d’être absentes des plaquettes d’information, elles consultent beaucoup moins que les femmes hétéros, notamment en gynécologie et se font moins dépister. Difficile dans ces conditions de détecter à temps cancers, hépatites, infections sexuellement transmissibles.

Le Dr Arame Mbodje débute par un aperçu rapide des risques encourus quand on ne consulte pas :
D’une façon générale, quand une femme a une vie sexuelle active, elle est exposée à des risques infectieux : gonococcie et chlamydiae (risques faibles).
Les symptômes sont des démangeaisons, des pertes blanches. Un prélèvement permet d’identifier le germe et de soigner la personne infectée.

Un conseil important : dès qu’il y a une modification des sécrétions vaginales, la consultation chez un généraliste s’impose. L’automédication est à proscrire.

Une lesbienne peut être également victime de cancers. Ceux-ci ne sont pas l’apanage des hétérosexuelles !
Cancers du sein, du col de l’utérus sont relativement fréquents chez les lesbiennes.
La prévention de ces 2 cancers est assez simple :

  • Pour le cancer du sein, une palpation des seins tous les jours est recommandée afin de déceler tout changement.
    Il suffit d’étendre le bras, de le mettre derrière la tête (pour étendre la glande mammaire) et de palper son sein à la recherche d’une anomalie, d’une modification. 5 mn par jour (sous la douche par exemple) suffisent pour se palper les 2 seins.
  • Pour éviter le cancer du col de l’utérus, un frottis annuel permet de déceler les cellules pré-cancéreuses.
    Evidemment, ce frottis se fait chez un-e gynécologue. Même si ce n’est jamais très drôle d’aller chez le/la gynéco, cette visite n’en reste pas moins indispensable. Il ne faut pas hésiter à déclarer son homosexualité, même si ce n’est pas évident.
    Le/la gynécologue est formé-e pour soigner la femme hétérosexuelle, il est donc nécessaire qu’il/elle s’adapte.
Elise Bourgois Fisson nous informe que primaire Up a le projet de créer une notice d’information à destination des gynécologues.

Une participante du public tient à souligner que l’auto-palpation n’évite pas le cancer du sein. Celle-ci a pour but d’inciter à la consultation. Elle précise également qu’une bonne entente avec son/sa gynécologue est indispensable, et qu’il ne faut pas hésiter à changer de médecin si on ne se sent pas en confiance avec celui-ci.

Une autre femme, dans le public, précise que la santé en France est avant tout curative, et non préventive. La santé publique est en train de changer, mais ce n’est pas encore suffisant. L’éducation à la santé, si elle se faisait, devrait responsabiliser les personnes pour une meilleure prévention.

Le Dr Mbodge revient sur une autre forme de prévention du cancer du sein : la mammographie. Celle-ci se fait, avant 50 ans et à partir de 25 ans, tous les 2 à 3 ans.
Il faut savoir qu’un cancer évolue sur une longue période (entre 10 et 20 ans). Dès que les signes cliniques apparaissent, il est déjà presque trop tard. L’importance d’une prévention, d’un dépistage rapide n’est plus à démontrer.

Pour résumer :
auto-palpation des seins : tous les jours
frottis : tous les ans
mammographie : tous les 2 ans

Une femme nous interroge: les jeunes ne se soignent pas, ou peu. Quelle prévention ? Quels outils ? Quelle formation ?

Raphaëlle Lecoq rappelle que les Flamands Roses est une association homosexuelle, militante. Il n’y a donc pas de médecin.
Les membres des Flamands Roses, dans le cadre de leur commission Prévention, ont eu le projet de créer une brochure pour les lesbiennes afin que celles-ci se prennent en charge, consultent, se fassent dépister. Cette brochure avait un objectif de prévention globale, incluant les risques liés au tabac, à l’alcool, aux drogues. Par manque de subvention, la brochure n’a pas été éditée, mais celle-ci a été transformée en cartes postales diffusées dans les lieux et associations homosexuels de Lille et sa région.

Pour primaire Up, association de malades, la façon de travailler est différente : l’expérience des malades a apporté beaucoup d’informations sur la relation au corps médical, la règle N°1 étant que s’il n’y a pas de confiance avec le médecin, il n’y a pas de prévention efficace. Il est également important d’avoir des connaissances médicales pour pouvoir discuter avec le médecin. Armée de nos savoirs, on a moins peur, on discute, on peut consulter, on peut se protéger.

Suite à une intervention dans le public, le débat s’oriente ensuite sur les hépatites, notamment l’hépatite B.
Quel est le lien entre le vaccin contre l’hépatite B et la sclérose en plaques ?
Dr Mbodge : Le lien entre le vaccin et la survenue d’une maladie neurologique n’a pas été prouvé. Si le risque existe, celui-ci est très faible par rapport aux bénéfices d’une vaccination. L’incidence du cancer du foie a fortement baissé, grâce notamment à ce vaccin.

Les hépatites virales et leurs modes de transmission :
Il faut avant tout souligner que ce sont des maladies qui passent souvent inaperçues. Les signes cliniques sont une jaunisse et une fatigue importante.

Hépatite A : hépatite alimentaire, qui se transmet donc en mangeant. Hépatite assez bénigne, peu répandue en France. Un vaccin existe contre ce virus.

Hépatites B et C :
Ces 2 maladies ont la même évolution (sur 20 à 30 ans) : cirrhose du foie qui se transforme en cancer du foie. Cependant, dans 90% des cas, on se débarrasse naturellement du virus.
- L’hépatite B est une MST, elle se transmet donc par le sperme et les sécrétions vaginales. Elle se transmet également par le sang.
- L’hépatite C, dont le virus a été découvert en 1989, n’est pas une MST. Elle se transmet par le sang : transfusion sanguine (avant 1992), toxicomanie (par voie nasale et intraveineuse), transmission mère/enfant.
Attention aux rasoirs, brosses à dents, coupe-ongles. Les règles d’hygiène de base préconisent de toutes façons de ne pas les échanger.
Attention aussi au sang des règles, lors de rapports sexuels entre femmes.

La prévention auprès des lesbiennes :
Celles-ci sont niées... la prévention n’existe donc pas !!!!
La sexualité des lesbiennes est niée, le risque est nié. Seules quelques associations en France ont commencé un travail de prévention à destination des homosexuelles.
La prévention se doit d’être globale : sida, hépatites, mais également drogues, alcool. Le message se doit d’être changé. On ne parle pas suffisamment des risques liés aux hépatites et à la syphilis.

Il faut également noter l’importance d’une prévention « avant primaire » qui pourrait se résumer à une lutte contre l’homophobie et la lesbophobie :
Il faut pouvoir s’accepter en tant qu’homosexuel/le pour pouvoir mettre en oeuvre une action de prévention, adopter une attitude safe.
Il est plus que jamais indispensable de se mobiliser, d’être visibles pour permettre les paroles.

Pour terminer, Elise Bourgeois Fisson insiste sur un enjeu important à primaire Up en ce moment :
Les femmes contaminées par le sida le sont par les drogues injectables et les rapports hétérosexuels. Parmi ces femmes ayant des rapports hétérosexuels et parmi ces toxicomanes, il y a des lesbiennes. Mais il y a une certaine discrimination au sein de la communauté lesbienne.
Comme la prévention est ciblée pour les femmes hétérosexuelles, l’enjeu est donc de pouvoir faire une prévention efficace auprès de ces lesbiennes qui ne se reconnaissent pas dans les campagnes de prévention.
Il est possible d’agir et de réagir, les pouvoirs publics devant prendre aussi en charge cette prévention ciblée pour les lesbiennes.

Pour plus d’informations :
Sida Info Service : 0 800 840 800. N° vert, gratuit, confidentiel, 24H/24
Act Up : www.actupparis.org