Trans et lesbiennes, qu’avons-nous à nous apporter ? Dimanche 9 novembre 2003 - 15e festival Quand les lesbiennes se font du cinéma Cineffable
projette un bon nombre de films qui analysent le genre, depuis le
tout début du festival, et organise des débats sur le
sujet. Le festival du mois de novembre est ouvert à toute personne
se déclarant femme. Pour l’association, se déclarer
femme est une démarche en soi exceptionnelle. Il nous
paraissait important de revenir sur ce que nous partageons avec les
personnes transgenres alors que deux personnes trans ont été
agressées par certaines festivalières pendant le 15e
festival. La Coordination
Lesbienne en France, qui regroupe une vingtaine d’associations
lesbiennes, tenait son assemblée générale pendant
le festival.
La formule
évoque un critère biologique mais le terme « déclaré
» démontre que la relation sera basée sur la confiance.
La CLF ne demandera pas à voir un nouvel état civil
ou des actes médicaux. Mais elle préfère être
vigilante pour se prévenir contre « des hommes qui
diraient se sentir femmes ». Suite
à cela, le débat débute sur cette mention d’irréversibilité
et sur des questions d’ordre médical. Une
personne raconte qu’en tombant amoureuse d’une trans,
elle a vécu au quotidien les effets et la progression des hormones
chez son amante. Elles ont vécu ensemble deux ans sans que
son amante soit opérée. Au fur à mesure, la sensibilité,
les zones érogènes, le mode de pensée se sont
déplacés. Les réactions n’étaient
plus les mêmes, elle devenait plus calme, plus posée.
Le débat tourne ensuite sur les questionnements sur le genre : une participante demande si la prise d’hormones, avec ses effets indésirables, est réellement nécessaire pour qui veut interroger le genre ? Sert-elle « le pouvoir médical, le pouvoir du fric » ? Une
personne déclare que nous avons des problèmes spécifiques
les unes et les autres et que les parcours, les expériences,
ne sont pas les mêmes. Entre lesbiennes, il y a encore beaucoup
« de boulot à faire ». Pour
une autre, il y a des différences entre lesbiennes et trans
mais aussi un certain continuum : Le rapport que nous avons aux genres,
à qui ou à quoi on s’identifie, où on se
situe par rapport au masculin et au féminin. Il y a aussi un
même rejet du genre. Les lesbiennes ne s’identifient pas
toutes comme femmes, et elles ne mettent pas toutes la même
chose derrière le mot lesbienne, ce qui crée parfois
des mésententes entre elles. Autre intervention : Il faut différencier orientation sexuelle et genre. Ce qui nous réunit c’est que les butchs, les lesbiennes, les fems, les garçons manqués sont des experts du genre. Elles savent mieux que quiconque comment est construit la masculinité et la féminité et ont les moyens, les repères, les cultures, les communautés, pour déconstruire les rôles traditionnels. Qui sait mieux qu’une transsexuelle ce qu’est l’apprentissage de la féminité, à quel point il est construit et non pas naturel, quand on veut devenir une femme et que les médecins vous donne des directives et vous incite à être hétérosexuelle ? Une autre estime encore qu’il nous faut des endroits où être entre nous, où être « différenciées ». Mais qu’il ne faut pas rester enfermées dans sa différence, sa dualité, sa problématique du deux. Une personne trans raconte qu’enfant, elle ne correspondait pas aux archétypes qu’on voulait lui assigner. Elle a toujours eu des ongles et des cheveux longs, traditionnellement féminins et était pour cela assignée à la sphère du privé par sa mère. Elle a vécu une forme de sexisme, celui que les femmes subissent, en plus de la discrimination et des quolibets : les mecs la traitait de gonzesse, de femmelette. A l’adolescence, elle a compris qu’elle était lesbienne. Elle est allée loin dans le rejet du masculin et a construit son genre dans le féminin pour vivre sa lesbianité. Elle est allée jusqu’à l’opération et se considère aujourd’hui comme une trans lesbianiste radicale. Elle milite pour les femmes, les lesbiennes et aussi pour la transversalité lesbiennes/trans. Elle rappelle que contrairement à ce que certaines lesbiennes pensent parfois, tous les trans ne jouent pas avec les archétypes féminins. De là, le débat dérive vers le féminisme et les luttes contre la domination masculine et on voit apparaître plusieurs sensibilités différentes sur les manières de mener ces luttes. Une participante
se demande notamment pourquoi on devrait fusionner la lutte des lesbiennes
et celle des trans. Selon elle, les trans cherchent une identité
de femme tandis que les lesbiennes veulent en sortir. Comme précédemment deux sensibilités s’opposent : une pour laquelle il faut partir d’une expérience particulière, locale pour combattre la domination masculine et le système actuel des genres et une autre partisane d’une approche plus globale. Une
personne rappelle que les discriminations contre les trans sont très
dures à vivre, notamment face à certaines féministes
essentialistes. On revient sur un incident à la Barbare. Une
lesbienne appartenant à une association qui n’est pas
ouverte aux trans explique qu’elle ne cherche pas à s’associer
à toutes les lesbiennes. D’après elle, les lesbiennes
de cette association et les trans ont une construction sociale différente.
Ce n’est pas de la haine. Elle préfère militer
avec des lesbiennes qui ont une construction de femme depuis toujours.
Les trans et les lesbiennes de son groupe ont, selon elle, deux façons,
deux stratégies différentes de lutter contre le patriarcat.
La remarque est faite que les lesbiennes ne déconstruisent pas toutes les genres. Certaines sont assez normatives. Dans l’assemblée, en revanche, sont présentes des trans très différentes, qui ne respectent pas du tout les canons féminins normatifs. Une personne qui se dit lesbienne féministe radicale explique que les lesbiennes évacuent le féminin et que les trans FTM (Female to Male, femme vers homme) vont au bout de cet acte, de ce chemin. Elle a pu ainsi avoir des échanges très riches avec des amis FTM. Quelqu’un explique que certaines lesbiennes féministes proposent des versions de la masculinité différentes de la masculinité hétérosexuelle. Le féminisme est une culture politique. Les FTM aussi sont féministes. En France, une partie du féminisme radical est transphobe et ne fait pas avancer le débat. Il n’y a pas un mais des féminismes. Le débat
fut très riche, révélateur d’une certaine
méconnaissance et de divergences, comme on s’y attendait.
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