FESTIVAL INTERNATIONAL DU FILM
LESBIEN ET FÉMINISTE DE PARIS
Quand les lesbiennes se font du cinéma
Intervenantes :
Danielle Charest et Louise Turcotte, deux des réalisatrices de Amazones d'hier, lesbiennes d'aujourd'hui.
Mariella Lo Manto, une des réalisatrices de Kiss-ing.
Louise Turcotte présente la vidéo «AHLA» comme étant un outil de militance, et l’ensemble de la démarche militante collective au Québec au début des années 80. La vidéo servait de prétexte à des réunions, des discussions. Puis elle évoque l’émergence de groupes de lesbiennes radicales au Québec, indépendamment du féminisme, du simple choix sexuel, et comme réflexion sur le monde.
De la vidéo à l’écrit : en 82, création de la revue «AHLA», toujours une démarche collective.
Prochain projet : anthologie des textes des lesbiennes radicales, pour que toutes ces revendications aient un impact à long terme sur la société.
Mariella Lo Manto donne quelques points de repères de l’histoire du mouvement lesbien en Italie. Début dans les années 70, avec des mouvements mixtes, qui s’unissent au Parti Radical Italien, donc présence dans diverses mairies italiennes. Naissance de collectifs lesbiens qui viennent de collectifs féministes. En 80, le collectif mixte disparaît. En 81, 1ere répression du lesbianisme en Italie : 2 femmes s’embrassent dans un jardin public, sont arrêtées, condamnées à 7 mois de prison.
La peine est suspendue en appel mais des groupes manifestent en réaction. Naissance du CLI, Coordination Lesbienne Italienne, et d’Arcigay, mouvement gay et lesbien. Les collectifs séparatistes organisent des colloques sur la politique lesbienne. En 91, première semaine lesbienne italienne à Bologne organisée par le groupe séparatiste (il a fallu attendre la 2e semaine 5 ans à cause de problèmes internes, et de problèmes d’ordre politique).
92 : naissance de ce qu’elle appelle le «militantisme moderne» avec la médiatisation : mariages publics symboliques, sur la place de la mairie de Milan, début des polémiques sur l’union civile. De nos jours : le Festival de films lesbiens de Bologne naît en 92. Le mouvement mixte lutte pour les lois sur les unions civiles et l’insémination artificielle. 96 : 2e semaine lesbienne organisée par les 2 mouvements mixte et séparatiste.
La vidéo Kiss-ing, en 96, a été réalisée dans le cadre d’un atelier lors de cette 2e semaine, pour une réflexion sur la visibilité, sur la présence lesbienne dans la vie de tous les jours, grâce à une vidéo montrant les réactions des gens face à deux femmes qui s’embrassent à Milan. Cette même expérience devait être réalisée dans plusieurs villes italiennes. Cela n’a pas encore été fait.
Danielle Charest réclame l’abolition des «pour lesbiennes seulement». Il faut apparaître sur la place publique. Le lesbianisme radical est une analyse de toutes les problématiques (guerres, racisme, luttes des classes). D’où la nécessité d’un renforcement du mouvement autonome des lesbiennes pour être fortes quand elles vont dans d’autres lieux. Mais il faut aussi se voir pour faire des bilans, élaborer des stratégies.
Elle se demande s’il faut vraiment viser la visibilité, et quelle visibilité ?
Le PACS ? Elle est contre. Cherchons-nous une reconnaissance ou une remise en question du système «hétérosocial» ? Le PACS est une recherche d’égalité ou d’inégalité ? Pour elle, se battre pour le PACS équivaut à vouloir se soumettre aux lois de l’accouplement pour avoir des «privilèges». C’est une soumission à un système injuste, hiérarchique, qui crée de l’inégalité sociale. Le mariage est une institution inutile pour nous, en perte de vitesse. Il faut réclamer des droits individuels universels.
Discussion :
On parle des actions de visibilité dans toute la France, des actions comme les «ré-appropriations de la nuit» , avec des mots d’ordre, et des dénonciations des violences faites aux femmes et aux lesbiennes.
Discussion autour de la nécessité du PACS : est-ce se conformer à une image hétéro ? Les droits sont-ils aux parents ou à l’enfant ? Le mariage tuerait-il les réseaux, la communauté ?
La reconnaissance du couple lesbien pourrait être un facteur de visibilité ? Ou se marier, c’est plutôt devenir invisible ?
Une réaction : « les lesbiennes radicales font peur ! ». Elles donnent une vision manichéenne du mariage, du système !...
Les lesbiennes étaient très visibles dans la musique, dans la culture des années 70… Et maintenant ?
On compare avec la situation à l’étranger, en Norvège, par exemple, il y a quelques années.
La culture lesbienne est mal portée en France par rapport à d’autres pays comme le Québec, les États-Unis. On évoque les chorales de femmes et de lesbiennes à Berlin, très politisées, qui sont aussi des moments de protestation.
On peut aussi obtenir des droits universels par d’autres biais, comme en s’alliant avec d’autres groupes pour lutter pour nos objectifs.
D’autres espaces lesbiens culturels et politiques sont encore à créer.
Il faut des images positives de lesbiennes pour les jeunes, comme dans les écoles à Berlin. La visibilité est donc importante.
Les lieux lesbiens et la vie lesbienne doivent-ils être ouverts sur les polémiques quotidiennes ?
Faut-il créer de petites communautés pour ne pas se disperser ?
Louise : il n’y a pratiquement plus de lieux lesbiens au Québec maintenant. Plus qu’un seul bar. Pourquoi ? À cause du retour à la mixité ?
Il faut penser à l’avenir : sommes-nous vraiment assez fortes ? Il ne faut pas perdre nos espaces de luttes.
Au Québec, il y a des associations institutionnalisées, qui ont donc des subventions : est-ce une perte d’intégrité ?
Appel à des rencontres, débats, recréations de groupes.
La Coordination Lesbienne (notamment avec la rencontre prévue au printemps 99) semble être pour toutes un espace prometteur de lutte militante et de visibilité lesbienne.