FESTIVAL INTERNATIONAL DU FILM
LESBIEN ET FÉMINISTE DE PARIS
Quand les lesbiennes se font du cinéma
Le débat est présenté comme un début de réflexion, une recherche en cours.
L'approche personnelle de l'expérience de l'illégitimité a bien été comprise par les participantes. Une autre illégitime se déclare à la grande joie de Béa Tardh.
Nous lançons le débat par un retournement de la question de départ aux allures de provocation :
« Le lesbianisme peut-il être une quête d'illégitimité ? », qui suscite de nombreuses interrogations selon plusieurs axes :
1) Le lesbianisme, qu'est-ce que c'est, peut-on associer le terme à une notion de "quête" ?
Le lesbianisme est-il une révolte contre la phallocratie, une recherche d'authenticité personnelle et non une révolte, un choix ou une donnée malgré soi (problématique habituelle qui est une question de point de vue de chacune). Particularité de certaines illégitimes de par la situation familiale : elles ont été élevées dans un milieu de femmes fortes, elles sont intolérantes à la phallocratie. Leur modèle initial est autre.
2) Qu'est-ce que l'illégitimité, peut-on associer le terme à la notion de "quête" ?
Les trois termes, illégitime, bâtarde et renégate, ne sont pas à l'origine des termes par lesquels le sujet s'auto-identifie, mais des termes par lesquels un pouvoir social, politique ou familial désigne des personnes qui sont hors de la norme. Ce qui n'empêche pas que la personne désignée comme hors norme puisse revendiquer son caractère hors norme et en faire une arme ou un outil de déconstruction du système.
Constat : Pour certaines, le lesbianisme est une révolte, une dissidence, une marginalité ou une brisée de l'interdit. La problématique légitimité/illégitimité en est un point central.
Nouvelle question : L'illégitimité "de naissance" peut-elle apporter un éclairage nouveau sur les autres illégitimités ?
1) Qu'est-ce qu'être illégitime "de naissance" ?
(Précision technique : Un enfant naturel, c'est un enfant né hors mariage. Un enfant illégitime, c'est une enfant né lorsque le père est marié avec quelqu'un d'autre que la mère)
Pour certaines illégitimes "de naissance", la légitimité peut être un espace qui reste un perpétuel ailleurs.
La légitimité n'est pas confortable, on se cherche un endroit de lutte.
Peut-on assimiler l'illégitimité à une non-reconnaissance, y'a-t-il des points communs entre les illégitimes "nées" et les illégitimes de milieu de parcours, entraînées dans l'illégitimité par le lesbianisme ?
2) Création d'une légitimité alternative
On ne peut pas exister en dehors de toute légitimité, les minorités s'en recréent une en se constituant des règles et des lois. C'est la négociation d'un espace qui est à la fois entre l'intégration complète et la marginalité complète. Plusieurs légitimités coexistent dans une société pluraliste. Le pluralisme conduit-il nécessairement à un affrontement de légitimités ?
3) Illégitimation des autres
Même les groupes qui se construisent sur la tolérance de toutes les différences recréent des normes et illégitimisent ceux qui apportent des idées nouvelles.
Exemples évoqués : anciens groupes de lesbiennes radicales, mouvement gay et lesbien vis-à-vis des initiatives lesbiennes non mixtes, mouvement anti-godes au festival.
Cela revient à illégitimiser l'autre dans son espace de rébellion, donc c'est particulièrement violent.
Est-ce un travers inéluctable dans la construction des groupes ?
4) Exemple de Cineffable comme lieu illégitime (marginal, dissident, espace de rébellion) : organisé par des bénévoles, réelle absence de hiérarchie et de figure unique emblématique, particulièrement démocratique, non mixte, créateur et agissant.
5) La question de départ : « Le lesbianisme peut-il être une quête d'illégitimité ? » peut être comprise ainsi :
Rechercher l'illégitimité au lieu de la légitimité, c'est trouver sa force dans la dissidence et non dans l'intégration, et c'est aussi s'enrichir des dissidences des autres. Donc en corollaire, c'est refuser de se servir, comme agent de cohésion des groupes, de la dynamique de la brebis galeuse et du bouc émissaire.
Conclusion des animatrices du débat : la problématique a été posée de façon riche. Beaucoup de pistes de réflexions sont ouvertes, toujours sur le rapport à l'illégitimité, son rôle dans la constitution des individues et des groupes, et de leur stratégies.